Le rapport 2023 du bien-être en France 2023 présentant les enseignements de l’observatoire du bien-être du CEPREMAP est sorti en mai 2024 !

Inkidata a eu la chance d’assister à la présentation du rapport par ses auteurs début juin 2024.

Retrouvez l’interview que nous avons réalisée de Mathieu Perona, Directeur de l’Observatoire du Bien-être du CEPREMAP et notre infographie de synthèse de quelques éléments marquants.

Pour voir le rapport 2023 (122 pages), c’est par ici : lire le rapport complet.

 

Qu’est-ce que le CEPREMAP ?

Le CEPREMAP est le CEntre Pour la Recherche EconoMique et ses Applications, une association sous tutelle du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Il a pour mission d’être une interface entre les administrations publiques et la recherche en économie, et plus généralement en sciences sociales.

Dans le cadre de l’Observatoire du Bien-être qui nous intéresse ici, cela fait maintenant 8 ans que le CEPREMAP réalise chaque trimestre, une enquête sur le bien-être des Français. Ces questionnaires à 20 questions portent sur quatre thèmes clés :  

  • Situation actuelle (niveau de vie, santé, vie actuelle…)
  • Travail et temps de vie 
  • Relation avec les autres 
  • Passé et avenir (perceptions, sentiments, appréciations…)

Interview réalisée le 13 juin 2024 de Mathieu Perona, Directeur de l’Observatoire du Bien-être du CEPREMAP.

Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer comment l’Observatoire du Bien-être a vu le jour ?

L’économie du bien-être s’ancre dans des recherches en psychologie qui datent de plus d’un demi-siècle. Face à la difficulté à définir à partir de principes premiers ce qu’est une vie bonne, question centrale de la philosophie, ces recherches adoptent une approche empirique : demander directement aux gens s’ils sont heureux, satisfaits de leur vie, de leur travail, de leurs relations avec leurs proches, etc. La crise financière de 2008 généré un regain d’intérêt pour ces questions, face au constat de l’échet des politiques tournées uniquement vers la croissance économique.

Ainsi, la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a recommandé un pilotage de l’action publique articulé autour de trois axes :

  • Un axe économie basé sur le PIB
  • Un axe basé sur le développement humain, dont les évaluations subjectives du bien-être
  • Un axe de soutenabilité écologique de l’action humaine

Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi a eu une influence importante dans de nombreux pays ainsi que sur les organisations internationales. Ainsi, l’OCDE, au travers de son centre WISE, promeut une telle approche, intégrant les dimensions de bien-être subjectif avec les objectifs de développement durable. Pourtant pionnière, puisque c’est elle qui a réuni la Commission Stiglitz, la France est ensuite restée à la traîne, n’intégrant ces mesures que de manière très limitée.

Constatant ce gap entre une recherche de plus en plus active dans ce domaine et les administrations françaises, le Cepremap s’est doté en 2014 d’un Observatoire destiné à démontrer la pertinence de ces mesures pour la conduite et l’évaluation de l’action publique. Une de ses premières actions a été de concevoir et financer une plate-forme « Bien-être » de 20 questions posées chaque trimestre en annexe de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages (Camme) de l’Insee.  

Comment mesurer le bien-être ?

Il existe aujourd’hui un ensemble de questions, validées tant par des recherches en laboratoire que par de vastes enquêtes internationales, qui permettent de mesurer de manière fiable si les gens s’estiment heureux, satisfaits de leur vie ou que ce qu’ils font dans leur vie à du sens. L’OCDE a publié en 2013 un ensemble de recommandations, et travaille avec les scientifiques pour les mettre régulièrement à jour.

Comment se situe la France comparativement aux autres pays sur le sujet du bien-être ?

En fait, les comparaisons internationales restent délicates à réaliser dans ce domaine. Il faut toujours prendre ces classements avec de la distance. Il y a une dimension culturelle.

Nonobstant, la France est en milieu de tableau en Europe avec des pays nordiques (Finlande, Norvège, Suède) où le bien-être semble plus élevé que dans les pays du sud de l’Europe comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Il y a une forte corrélation entre niveau de vie et bien-être mais on constate que les Français sont moins satisfaits de leur vie que voudraient leur niveau de vie, … un gap négatif don qui peut être lié à un biais de déclaration (donc un biais culturel) certes mais qui peut aussi être lié à autre chose et c’est assez difficile à déterminer précisément.

Qui utilisent les données de l’observatoire ?

Nous avons assez peu de visibilité sur les instances qui utilisent les résultats de l’observatoire.

Nous avons néanmoins des partenariats avec certaines institutions qui souhaitent utiliser ces données de manière plus fine sur les sujets qui les concernent davantage. C’est très bien que les administrations se saisissent de l’observatoire pour leur propre besoin. C’est notre rôle aussi d’encourager cela.

C’est le cas notamment avec le ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse qui s’est doté d’un baromètre du bien-être des personnels en établissement (dont les enseignants). Nous avons participé à l’élaboration et aux premières exploitations du questionnaire. Le ministère s’est en effet approprié la méthode via son service dédié à la direction des études et de la prospective (la DEPP). Dans ce cas précis, il s’agissait de comprendre le mal-être et la crise profonde des recrutements des enseignants ; cela a permis d’objectiver le mal-être enseignant. 80 % des enseignants sont insatisfaits de leur travail. Grâce à l’enquête, on voit que les poches de malaise sont à plusieurs niveaux mais on peut voir que le salaire vient massivement comme premier facteur d’insatisfaction.

C’est le type d’accompagnement que nous souhaitons développer avec les administrations publiques, soit en les conduisant vers le développement d’une compétence interne, soit en étant pour elles un centre d’expertise de la sphère publique.

Sur le plan de la recherche, nous sommes hébergés par l’École Normale Supérieure sur le Campus Jourdan, partagé avec l’École d’Économie de Paris, et cherchons à être présents dans l’ensemble de l’écosystème de la recherche sur ces sujets en France.

Au-delà du secteur public, nous voyons les questions de bien-être subjectif être de plus en plus souvent intégrées par des acteurs privés, à commencer par les instituts de sondage. Nous pensons qu’il s’agit d’un signe que la conscience de l’intérêt de ces questions progresse.

 

Grâce à cette interview ainsi qu’au rapport sur le bien-être, nous avons pu en tirer des chiffres clés :

 

Un niveau de satisfaction globalement en hausse après une baisse liée à la pandémie de COVID-19.

On constate premièrement, qu’après une baisse marquée de la satisfaction de vie à 6,3/10 en 2020 due à la pandémie de COVID-19, les Français ont progressivement retrouvé un niveau de satisfaction de 6,5/10 en 2023. Cette évolution positive met en avant certains progrès et certaines améliorations quant à la perception, le niveau de vie et la satisfaction générale des Français.

L’emploi et la satisfaction

Comme dans la plupart des pays, l’emploi jour un rôle essentiel dans la satisfaction, et pas seulement pour le revenu qu’il apporte. Même à revenu égal, les personnes au chômage sont moins satisfaites que les personnes en emploi, et cet écart est maximal aux alentours de 45 ans. En prenant aussi en compte l’effet de la perte de revenu, la satisfaction des personnes aux chômage est alors de 5,7 sur une échelle de 0 à 10, contre 7,2 pour les personnes en emploi.

La catégorie socio-professionnelle joue également un rôle. Ainsi, les ouvriers ont tendance à être bien moins satisfaits de leur vie (satisfaction à 5.9/10) que les cadres (satisfaction à 7.3/10), une différence qui se réduit mais ne s’annule pas si on neutralise le revenu. Ces écarts également sensibles dans des dimensions plus spécifiques du bien-être

  • la nostalgie plus importante des ouvriers,
  • le sentiment de sécurité
  • les perceptions d’avenir.

En effet, la satisfaction et le bien-être des Français sont donc liés à l’emploi exercé.

Cela se démontre entre la satisfaction des personnes au chômage et celles en emploi.

En conclusion, l’observatoire du Bien-être en France du Cepremap suit dans la durée le bien-être des Français. Les résultats 2023 montrent que, bien que la satisfaction de vie ait globalement augmenté depuis la crise de 2020, des disparités importantes subsistent en fonction de l’âge, de l’activité et des catégories professionnelles. L’impact des facteurs conjoncturels, environnementaux et sociétaux est aussi important.

Retrouvez le rapport complet sur le site du Cepremap.

 

Infographie de synthèse de  chiffres clés issus du rapport de l’Observatoire du Bien-être (rapport 2023)